En début d'hiver, Paul Bonhomme présentait son projet pour la saison à venir : ouvrir 10 nouvelles lignes de ski de pente raide dans les Alpes, à travers la France, l'Italie et la Suisse, en une seule saison. Le fameux 10x Project comme il l'a appelé. Six mois plus tard, le contrat est rempli.
En décembre 2020, Paul Bonhomme présentait son ambitieux projet sur les réseaux qui allait occuper sa saison 2021. "Un truc de dingue, improbable, certainement irréalisable mais bon, j’aime bien les trucs irréalisables" d'après ses propos. Le 10x Project, ouvrir 10 lignes de ski de pente raide dans les Alpes de 500 mètres de dénivelé minimum, 50° minimum, tout cela avec une certaine éthique puisqu'il s'interdit l'hélico ou les remontées mécaniques pour accéder aux faces.
Le guide, qui s'est fait connaître dans le monde du ski de pente raide avec son projet 4 Faces en mai 2018 et par ses ouvertures dans les Aravis, s'est lancé un défi de taille qu'il souhaite partager. Comme il l'explique "le fait d’en parler me fait me lever le matin, cela m’aide à m’entrainer, à tenir debout".
Tout a commencé le 5 janvier 2021 avec l'ouverture de Jardin secret sur le pointe de Blonnière (2362m) dans les Aravis en compagnie de Vivian Bruchez. Une descente audacieuse et technique à deux pas de chez lui. Fin janvier, Paul a posé ses spatules dans les Ecrins pour skier la face Nord du Chaperon (2750m) avec Xavier Cailhol. Une descente de 1200 mètres, L'éperon des Saltimbanques, que Paul compare au Nant Blanc pour sa technicité. Trois jours plus tard, il signe la troisième ouverture de son projet en Italie dans le Val Maira. Il Segretto di Maïra, une ligne astucieuse repérée il y a une dizaine d'années.
Fin février, c'est dans le Mercantour que Paul a ouvert une nouvelle ligne sur l’éperon Nord-Est du mont Pélago (2768m). Son nom, les larmes d’Ulysse, destiné à souligner la violence de la tempête qui a frappé la vallée de la Vésubie en 2020. Ulysse étant un bouquetin du parc national du Mercantour qui a fui son territoire habituel quand la tempête s'est approchée, comme s’il sentait venir le danger.
Début mars, Paul Bonhomme et Xavier Cailhol se sont attaqués à l'imposante face Nord du sommet central des rochers du Rochail (2853m), pour ouvrir une ligne de 1600 mètres qu'ils ont appelé la Cathédrale. Une descente rendue très technique à cause du faible enneigement. Comme Paul l'a expliqué : "ce ne sont pas des conditions de ski optimales mais il faut tenter le coup". Coup gagnant puisque les deux skieurs ont réussi à descendre la face avec une désescalade et trois rappels. Cette descente symbolisait déjà la moitié du projet, deux mois seulement après la première ouverture.
Quelques jours plus tard, c'est en Italie que Paul et Vivian ont ouvert leur deuxième itinéraire ensemble sur la face Sud-Est de la Tête Carrée (3732m). L'objectif initial n'étant pas en condition, ils ont découvert la ligne au dernier moment. La testa tra le stelle est une ligne qui se mérite. En effet, 20 kilomètres d'approche ont été nécessaires, avec le choix délibéré de ne pas utiliser de motoneige.
Début avril, toujours en compagnie de Vivian, Paul a pris la direction du Val de Bagnes en Suisse pour ouvrir une ligne de 1200 mètres en face Est du Combin de la Tsessette (4141m). Dix ans après avoir eu l'idée de skier cette ligne, les deux guides ont trouvé les conditions de neige optimales pour descendre Les piliers de Bagnes, nom donné à la ligne.
Après un mois d'avril marqué par de nombreuses avalanches aux conséquences lourdes, il était primordial pour Paul de choisir la sécurité pour la suite de son projet. Pour cela, il a choisi la face Ouest du Pouzenc (2898m) dans les Hautes-Alpes. Sommet méconnu mais qui ne se laisse pas facilement gravir, il aura fallu trois tentatives pour trouver des conditions stables et un enneigement suffisant pour ouvrir La traversée des Anges. Comme le dit Paul : "c'est un modeste hommage à celles et ceux qui nous ont quitté trop vite et à qui j'ai pensé souvent dans cette pente".
Pour la neuvième ouverture du 10x Project, Vivian Bruchez et le guide Suisse Gilles Sierro ont accompagné Paul sur la face Sud-Ouest du Bietschhorn (3934m) en Suisse. Après une longue analyse des bulletins météos et des BERA, son choix s'est porté sur cette ligne qu'il avait repéré deux semaines auparavant. Les conditions plutôt sèches dans la face et la neige était dure ont rendu la descente technique. En ce jour de fête des mères en Suisse, ils ont appelé la ligne Merci Mamans en hommage à ces dernières.
Le 28 mai dernier, toujours en Suisse et en compagnie de Vivian Bruchez, Paul Bonhomme a pris de l'altitude pour clôturer son projet en beauté en skiant la face Sud-Ouest du Täschorn (4491m). Une dixième ligne d'ampleur appelée X qui marque la fin de cinq mois intenses. Comme le raconte Paul : "J'ai dû m'adapter en permanence à la montagne, j'ai dû apprendre à la lire, à l'écouter, à me mettre à son rythme. Et elle m'a rendu beaucoup de bonheurs". Il résume humblement ces dix ouvertures avec ces mots : "Quelques traces, éphémères, discrètes… Les plus respectueuses possible".
À l'annonce du projet en décembre, il disait : "j’ai ce désir profond de montrer la montagne dans sa globalité et non comme un stade, montrer que ce sera elle qui aura le dernier mot, qu’il n’existe pas de limites à l’imagination". Six mois et dix ouvertures plus tard, on ne peut que constater la justesse de ses mots et admirer l'exploit d'un tel projet, ou plutôt d'une telle aventure. Bravo Paul !