Le skieur-alpiniste et guide de haute-montagne italien Denis Trento a réalisé le 30 mars 2017 ce qui pourrait être la première descente du couloir sud-ouest de la Pointe Whymper (4184m) aux Grandes Jorasses.
Savoir saisir les opportunités lorsqu'elles se présentent, voilà une qualité de skieur de pente raide. Lorsque Denis Trento, membre de l'équipe militaire de ski-alpinisme, décolle du Val Ferret, c'est dans l'idée de skier l'itinéraire classique de la face sud (5.1 E3). Mais petit problème : cette année le couloir permettant d'éviter le sérac n'existe pas cette année. Denis change son fusil d'épaule, en repérant un couloir qui semble mener droit au sommet de la Pointe Whymper. L'accès se fait par une petite étroiture en glace sur 10m, qui sera désescaladés en crampons à la descente.
Voici le récit de Denis Trento, rédigé par lui-même en français :
"Quand tu pars du Val Ferret à 8h30 du matin, avec seulement un demi litre d’eau et un gel dans ton sac, tu ne peux pas penser sérieusement aller jusqu’au sommet des Grandes Jorasses.
Mais le fait de prendre aussi 30m de corde, peut signifier que cette petite pensée était bien présente dans mon cerveau..
Au moment de mettre le baudrier pour partir sur le glacier, après deux heures de montée, j’étais déjà bien conscient du fait que je monterai jusqu’à ce que je rencontre un obstacle insurmontable, ou inskiable à la descente.
Quand j’arrive au pied des Rochers Whymper, en voyant que peut-être il y a un passage en neige droit devant moi, je me fais à l'idée que désormais j'irai jusqu’au bout.
Le passage que j’ai imaginé est trop étroit pour être skié, mais ce n’est que sur 10m, le reste du couloir, hormis les mauvaises conditions de neige, ne me parait pas impossible.
Du coup après 4h et 15 minutes, je me trouve au sommet de la Pointe Whymper et je peux savourer à nouveau un panorama auquel je suis bien attaché.
J’ai un bon feeling avec les Jorasses, cette été j’ai fait en solo et en vitesse la boucle Planpincieux, Refuge Torino, Arête de Rochefort-Jorasses, Planpincieux. Mais plus que ça, les Jorasses ont incroyablement décidé d’épargner ma vie, quand un rocher touché mon copain à la tête, lorsque on était encordés mais pas protégés en sortant de l’Arête des Hirondelles.
Aussi cette fois tout se passe bien, même si la pente est raide et la neige vraiment difficile.
Par contre la neige est très bonne sur le retour en vallée, mais à ce point je suis trop fatigué pour profiter du ski..
Après avoir bu deux litres d’eau, une bière et mangé la classique pasta, je commence à me poser la question si c’est vraiment possible que personne n’ait jamais skié cette belle et logique ligne avant moi.
A présent ça semble être le cas, même si pour moi ce n’est qu’un petit détail dans une journée qui m’a donné beaucoup de réponses au niveau personnel.
Après avoir discuté avec beaucoup de skieurs et collègues guides et après avoir publié un article sur Planetmountain personne ne m’a encore donné d'avis différent.
C’est quand même beau de penser que quelqu’un peut avoir skié cette ligne avant moi seulement pour soi-même, sans avoir besoin de publier quoi que ce soit, comme j’aimais bien faire avant l’époque des sponsors et réseaux sociaux.."