Lundi 26 décembre, le skieur chamoniard Paul Millet ("Papy" pour les intimes) s'est attaqué en solitaire à la face nord du Triolet, dans le massif du Mont-Blanc, une pente austère dominée par un immense sérac. Voici son récit en mots et en images.
"Il y a quelques jours Douds Charlet m'a montré une photo de la face et m'a dit que c'était peut-être en condition. Hier, après les fêtes bien arrosées de Noël, j'ai eu l'envie d'aller voir cela, et de m'offrir un beau cadeau de Noël et d'anniversaire car je suis né le 25 aussi.
Je suis arrivé au pied de la face et j'ai hésité un moment avant de me lancer dedans car seul, sans corde... et l' appréhension de cette face tant historique: on a tous en tête la photo de Philippe Fragnol avec Dédé Rhem et Jérome Ruby. Pour moi ce n' est pas un problème d'être seul car j'ai beaucoup d'expériences en montagne en solo et dans ce genre de face dès que tu passes la rimaye tu n'as plus besoin de personne.
A la montée, je me pose des questions car la pente est tellement soutenue que je me dis que je n' arriverais peut-être pas à tourner, et de plus j'ai le stress du sérac qui me surplombe tout du long. Ce fameux sérac si massif me donne des frissons. Dès que j' entends un avion passer je lève la tête en ayant toujours un doute.
J' ai commence à skier sous le sérac aux 2/3 de la face car le haut n' était pas en condition. Les premiers virages sont vraiment durs à réaliser et après c'est parti pour l'enchaînement.
Cette face te procure une adrénaline de malade, c' est la pente la plus raide que j' ai réalisée. Arrivé en bas je n' avais plus d'énergie mes jambes étaient lourdes et tremblantes. Ce genre de sentiment je ne l'ai ressenti qu'une fois auparavant, c'était dans la face nord de l'Aiguille du Plan."
Je n'aurais jamais cru qu'on pouvait descendre à ski cette face dont j'ai fait la 9ème avec Philippe Dreux en 1956. Je me rappelle avoir taillé une longueur "terrible" pour rejoindre à droite les séracs. Nous n'avions que des crampons dix pointes et des piolets en T, comme Roch et Gréloz ! On avait mis dix heures depuis le refuge... Bravo aux courageux, mais attention, ce n'est pas pour tout le monde !
Merci Paul pour ton témoignage éloquent ! Les temps changent mais cette face reste assurément très exposée..