La plus haute face skiable du massif de Belledonne offre une belle quantité d'itinéraires de pente raide. La connaissiez-vous ?
Rares sont les sommets qui peuvent se targuer d'offrir autant de lignes de pente raide différentes. Le Grand Charnier d'Allevard dans le nord de Belledonne, en compte pas moins de neuf entre le 4.3 et le 5.3 ! Deux sur sa face nord (350m), un sur sa face sud, et six sur sa large face ouest haute de 800m, une ampleur plutôt rare pour un massif de moyenne montagne !
Bonjour je suis le Grand Charnier d'Allevard, ne me confondez pas avec mon cousin le Grand Charnier d'Allemond, qui se trouve lui au sud du massif !
Mais pourquoi ce sommet est-il si peu connu ? La relative confidence de ces itinéraires tient sûrement de leur accès peu commode : soit il faut traverser une longue crête depuis le domaine du Collet d'Allevard, avec des montées/descentes, soit il faut se farcir d'interminables accès par les vallées du Veyton ou du Bens, avec des départs à seulement 600/700m d'altitude.
Le plus direct est de réaliser ces itinéraires en boucle en montant par l'arête nord-ouest en crampons, avec un accès depuis le Collet d'Allevard. Mais cela empêche de repérer les conditions des descentes. Si le versant nord garde longtemps la poudre, la face ouest chauffe vite et fort, tandis que la calotte sommitale est souvent vitrifiée par le vent et le soleil : le cocktail est difficile à trouver.
#1 Voie normale (4.3 E2)
Cette descente suit grosso modo la voie normale de montée sur l'arête NW. Elle se déroule un peu en contrebas pour éviter les passages rocheux. C'est l'itinéraire le plus facile de la face.
#2 Couloir NW (5.1 E2)
En tirant bien à droite depuis le sommet on arrive à ce large toboggan très skiant. Du fait de son orientation NW il chauffe moins vite que les autres couloirs de la face. Dans le bas il faudra s'extirper des chaos des dépôts d'avalanches qui peuvent y être conséquents, même en début de saison. Cette descente présente plus d'intérêt que la voie normale, sans toutefois être très raide ni très exposée : un bel itinéraire abordable dans le niveau ! Un petit ressaut goulotté dans le bas est évitable par la droite. La première descente fut vraisemblablement réalisée en 2003 par Volodia Shashahani, Leïla Shashahani et Cécile Eichinger.
#3 Voie Charlotte et Dory (5.2 E3)
Ouverte par les grenoblois Lionel Tassan et David Zijp en 2006, cette descente débute comme le couloir NW avant de rejoindre à main gauche un couloir caché, niché entre deux éperons. On peut aussi le rejoindre depuis le haut du couloir central. Ce couloir esthétique est homogène dans la difficulté. Les ressauts du bas s'évitent par une écharpe évidente sur la gauche, qui amène au pied de la face. La partie inférieure avait déjà été ouverte par Lionel Tassan et Nicolas Mossière en 2005 via une combinaison avec le couloir central.
#4 Couloir central (5.2 E3)
C'est le grand toboggan évident à droite lorsqu'on se tient au sommet. Une descente quasiment rectiligne sur 650m, elle aussi très homogène, avant de buter sur les barres qui verrouillent le bas de la face. Ces barres se franchissent grâce à un rappel de 50m (pas d'équipement à demeure). On peut aussi rejoindre la voie Dory à divers endroits en franchissant l'éperon à main droite entre 2350 et 2150m.
#5 "La diagonale" (5.2 E3)
Du sommet, cet itinéraire descend plein sud-ouest dans un large entonnoir qui rejoint dans son bas le couloir central, mais on le quitte nettement en amont pour réaliser une traversée à flancs vers le sud qui franchit différents éperons, au-dessus de barres.
#6 "Voie des Z" (5.3 E4)
Après le Z de la Meije et le Z de la Verte, Belledonne a également droit à son Z ! Ici il s'agit de la descente la plus technique et exposée de la face. Contrairement aux autres, elle part du sommet sud (2555m), d'abord droit dans la pente puis en écharpe vers la gauche, avant de rejoindre le bas de la diagonale. La variante originelle ouverte en 2006 par Lionet Tassan, Nicolas Mossière et Serge Maraval est celle de droite.
#7 Couloir sud (4.3 E2)
Il existe également un itinéraire en face sud du sommet sud (4.3 E2), ouvert en 2007 par cette même cordée Tassan-Mossière (tout à droite sur le topo ci-dessous).
#8 Face NE (4.3 E3)
La face nord-est s'atteint par une entrée peu avant le sommet, sur une croupe à environ 2500m. C'est la partie la plus raide. Exposée plein est, elle peut avoir bien gelé. En bas de cette facette suspendue on tire franchement à droite pour éviter de grosses barres, et rejoindre le pied du versant nord.
#9 Face nord (5.2 E3)
Par sa situation dans le massif, le versant nord du Grand Charnier d'Allevard a l'avantage de garder longtemps la poudre. Pour attraper cette face nord il faut traverser le sommet du Grand Charnier et rester à niveau sous la crête rocheuse versant sud sur une centaine de mètres avant rejoindre un collet. Cette descente offre deux entrées, qui se rejoignent ensuite, celle de droite (lorsqu'on regarde depuis le pied de la face) est plus raide. L'itinéraire est globalement assez direct vers le bas, en évitant les passages goulottés par de petits crochets à gauche ou à droite. Du bas de ces deux itinéraires #7 et #8 en face nord, on rejoint facilement en peaux le col du Gollet ou le Petit Charnier.
Topos :
Réalisations :
De nombreux enchaînements sont possibles sur ce sommet et plusieurs combinaisons ont été ouvertes entre les différentes voies de la face ouest par les skieurs locaux, notamment à partir des années 2000. Le point crucial étant de trouver les bonnes conditions dans cette face ouest avec des sous-orientations multiples et une forte propension au goulottage.
Par exemple pour notre première visite sur le sommet le 13 janvier 2018 nous avions enchaîné la face NE et le couloir NW, les deux à vue, pour un total de 2860d+.
Lors de notre seconde visite le 19 février 2019 nous avons enchainé la face nord, le couloir central jusqu'au départ du rappel, puis la voie Charlotte et Dory depuis l'entrée, les trois à vue, pour un total de 3440d+.
La première descente référencée de la face ouest a été réalisée en février 1980 par Daniel Mestrallet par une combinaison entre les voies #4, #3 et #2.
En tout cas preuve en est, s'il en était besoin, que certains coins de "moyenne montagne" peuvent présenter des itinéraires d'ampleur égale à ceux des hauts massifs !
Merci à Lionel Tassan pour ses précisions.