1400€ pour un ski de rando, est-ce bien raisonnable ? La marque norvégienne Moonlight a frappé un grand coup avec sa gamme Carbon Race : des skis ultra-légers déclinés en toutes les largeurs. Nous avons testé pour vous le modèle Eagle.
Description
Modèle : Moonlight Eagle Carbon Race
Année de commercialisation : 2018
Prix public : 1399€ (itinialement : 1500€)
Taille testée : 177cm
Côtes vérifiées : 130-96-120 en 177cm
Poids vérifié : 1085g ski nu
Matériaux : carbone, chants en bois de hêtre (initialement : bambou), noyau hybride bois-mousse (essences non spécifiées)
A l'extrême nord de la Norvège, bien au-delà du cercle polaire, se trouve la petite ville de Burfjord, près de la plus connue Tromsø. A Burfjord, il fait nuit quasiment six mois par an et il y a de la neige pendant presque autant de temps. Guère étonnant que la marque locale Moonlight ("clair de Lune") se soit spécialisée dans deux matériels : les frontales et les skis.
Chez Moonlight, la gamme Carbon Race se compose de cinq modèles : le "Race" (65 au patin), le "Northern Light" (84 au patin), le "Eagle" (96 au patin), le "All Mountain" (106 au patin) et enfin le "Carbon 120" (120 au patin). Tous ces skis ont leur équivalent dans l'autre gamme de la marque, les modèles Carbon, à la construction et au prix moins extrémistes.
Des skis ultra-légers réalisés à la main dans un pays où le ski est un moyen de déplacement ancestral : aucune raison de douter du savoir-faire de la marque. Mais en avons-nous vraiment pour notre argent ? C'est que nous avons voulu savoir.
Conditions du test
Les skis Eagle Carbon Race ont été testés du printemps 2018 jusqu'à ce jour. Pendant ce laps de temps, nous avons pu les mettre à l'épreuve dans tous les terrains et toutes les conditions de neige : ski en forêt, couloirs, poudreuse, neige béton, carton, croûte... Le test s'est déroulé dans différents massifs, principalement Ecrins et Belledonne.
Les skis ont été testés avec des fixations à inserts light (on n'imaginerait pas mettre autre chose sur des planches aussi légères) et les chaussures Scarpa F1 et Scarpa Alien RS.
Résultats du test
La première chose qui marque lorsqu'on voit ces Eagle Carbon Race, c'est le design épuré. Avec un top-sheet entièrement noir, simplement décoré d'un petit médaillon doré portant le logo Moonlight, il faut avouer qu'ils ont une certaine élégance. Leurs chants en bois apparent leurs donnent un côté vintage. La deuxième chose qui frappe est leur légèreté lorsqu'on les prend en main. Etre à moins de 1100g sur un ski de cette largeur, ce n'est pas courant. Pas de secret : le ski utilise les mêmes matériaux que le modèle race de la gamme (65 au patin), à 658g le ski nu.
Si on a l'impression d'avoir un objet luxueux entre les mains - le prix y est aussi pour quelque chose - cela ne fait pas tout : on n'est pas à Courchevel et les skis n'ont pas vocation à décorer le salon. Voyons voir ce qu'ils ont dans le ventre.
Leur légèreté se ressent de façon immédiate à la montée et ils permettent d'envisager de gros dénivelés à la journée. Ils sont très efficaces pour tracer dans la poudre sans effort, aidés par leur portance et leur grand rocker qui permet de rester en surface lorsque les quantités sont là - et ça joue aussi à la montée !
En parlant de leur rocker, celui-ci a une forme peu commune. Baptisé LL par Moonlight, pour "long and low", c'est un rocker très progressif et très long, sur une quarantaine de centimètres. Ce rocker fait un merveilleux travail de déjaugeage dans les neige meubles, aidé par une spatule large de 130mm. Il facilite énormément la conduite du ski, y compris dans la croûte et dans le carton.
Outre le rocker, ce qui étonne c'est le cambre très peu prononcé du ski. Cela se ressent sur le comportement des Eagle Carbon Race : ils se skient quasiment "en dérive", comme les gros skis de poudre à cambre plat.
Logiquement, un faible cambre associé à un long rocker ont pour conséquence que la surface de contact ski/neige est limitée sur les surfaces dures. Et cela se ressent au niveau de l'accroche : les Eagle Carbon Race n'ont pas le mordant pour évoluer en sérénité sur de la neige béton ou verglacée. Cela peut aussi être lié à un léger manque de rigidité en torsion. Ainsi, avant de les emmener en pente raide, il faudra être certain des conditions de la ligne afin d'y trouver de la neige meuble.
Ces skis ont donc un terrain de prédilection, et c'est la poudreuse. Dans la neige fraîche, ils sont très joueurs et très faciles à emmener, en virages courts ou en longues courbes : le plaisir est au rendez-vous. Leur poids plume ne les empêche pas de skier fort, même si on évitera quand même de sauter des barres. Ils restent stables à haute vitesse.
En pente raide, hormis dans des conditions de neige dure comme explicité précédemment, ils sont très faciles à tourner, et gomment efficacement les irrégularité du terrain. Leur long rocker aide à ne pas enfourner la spatule dans les couloirs étroits où le relief est souvent concave.
Quant à la glisse, la structure de la semelle d'origine est optimisée pour les neiges froides, telles que celles qu'on rencontre en Scandinavie. Avec un bon fart leur glisse est excellente dans des conditions hivernales.
Entretien
Avec un ski à 1400€, pas question de le traiter comme une paire de loc et de taper le talon au sol pour faire tomber la neige : il faut le bichonner ! Outre un entretien régulier de la semelle et des carres, nous conseillons de lui appliquer dès le départ deux voire trois couches de vernis marine au pinceau (celui utilisé pour protéger les coques de bateau contre l'eau de mer), avec 24h de séchage entre chaque couche. Ensuite, à intervalles réguliers, il est bon de rajouter une couche de vernis, en insistant particulièrement sur les chants en bois : on veut éviter que ceux-ci s'imbibent d'eau. Par ailleurs les précautions habituelles s'appliquent : stockage au sec et à l'ombre, séchage des carres au chiffon après chaque sortie. Pas question de laisser rouiller.
En bref
Les Moonlight Eagle Carbon Race sont une arme absolue pour de longues bambées hivernales en poudre. Ce sont des skis faciles à emmener, même dans les neiges du type croûte ou carton, notamment grâce à leur long rocker et leur très bon déjaugeage. Néanmoins en neige dure ils manquent d'accroche, pénalisés par leur shape. Un ski qui fait une très bonne deuxième paire pour le plein hiver, en complément d'une paire plus incisive pour la neige dure et la neige de printemps (ex : Völkl VTA 88, Blizzard ZeroG 85...).
Quant à savoir si ça vaut ce prix là... à chacun de se faire son avis. Outre le coût des matériaux il y a surtout celui de la main d'oeuvre norvégienne. Il faut considérer ce ski comme un bel objet produit en petite série par une marque de passionnés. Un achat coup de coeur en somme !
Les plus :
• poids plume
• maniabilité
• déjaugeage
• joueurs
Les moins :
• accroche en neige dure
• fragilité (éviter les cailloux !)